Maitre ANCEL a été consulté par l’Assemblée Nationale sur les violences conjugales, la résidence alternée, la réforme du divorce.
«
II. LA DOUBLE RÉSIDENCE DOIT AUJOURD’HUI ÊTRE GÉNÉRALISÉE
Au cours des quinze dernières années, de nombreuses propositions de loi ont été déposées afin de privilégier la résidence alternée pour l’enfant dont les parents sont séparés, dont l’une des dernières, relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014. Toutefois, aucune d’entre elles n’a été définitivement adoptée.
Dans le même temps, on a assisté à une évolution profonde de la société qui se traduit par une implication croissante des pères dans leur relation avec leur enfant et par le renouvellement des modes de vie familiaux.
Aussi, alors que la résidence alternée tend à se développer en Europe, la présente proposition de loi a pour objet de poser, en cas de séparation des parents, le principe de la résidence de l’enfant chez chacun d’eux, avec un triple objectif : l’intérêt de l’enfant, l’égalité des parents et la perception de leur rôle social.
A. L’EXEMPLE DES PAYS EUROPÉENS
La résidence alternée tend à se développer en Europe, comme l’a souligné M. Bruno Ancel, avocat, lors de son audition.
De nombreux États ont ainsi adopté des lois consacrant la résidence alternée.
C’est le cas de l’Espagne qui a reconnu, en 2005, la notion de garde partagée ou encore de l’Italie dont la loi du 8 février 2006, qui instaure la résidence alternée, insiste sur le droit de l’enfant d’avoir une relation équilibrée et durable avec ses deux parents.
Aux Pays-Bas et en Belgique, la loi va plus loin puisqu’elle demande au juge de privilégier un mode de résidence alternée entre les parents de l’enfant.
La loi néerlandaise prévoit, depuis 2009, le droit pour l’enfant à être élevé de façon égalitaire par ses deux parents, la présomption de résidence alternée instaurée par le législateur pouvant être renversée en cas de danger pour l’enfant ou lorsque celui-ci est pris dans un conflit de loyauté.
Le droit belge fait, depuis 2006, de la résidence alternée une modalité de résidence privilégiée de l’enfant. L’article 374, §2, alinéa 2, du code civil belge prévoit ainsi qu’« à défaut d’accord, en cas d’autorité parentale conjointe, le tribunal examine prioritairement, à la demande d’un des parents au moins, la possibilité de fixer l’hébergement de l’enfant de manière égalitaire entre ses parents ». L’article 374, §2, alinéa 4, du même code précise que « si le juge choisit de s’écarter du modèle législatif, il doit spécialement motiver sa décision, en tenant compte des circonstances concrètes de la cause, de l’intérêt des enfants et de celui des parents ».
La jurisprudence marque également une évolution en faveur de la résidence alternée. Au Royaume-Uni, la Cour d’appel d’Angleterre et du pays de Galles a considéré que la résidence séparée pouvait être accordée même si les parents étaient géographiquement éloignés l’un de l’autre et a précisé qu’elle était bénéfique pour les parents en mettant l’accent sur leur égale responsabilité à l’égard de l’enfant. Dans une décision de justice récente, le juge Mostyn a relevé qu’« un jugement de résidence alternée est maintenant la règle plutôt que l’exception même si le temps alloué à chacun des parents n’est pas égal. Si on avait une hiérarchie des droits humains protégés par la CEDH au plus haut de cette hiérarchie on trouverait le droit de l’enfant pendant qu’il grandit à avoir une participation significative de ses deux parents dans son éducation » . »